Les espèces invasives dans les forêts de Saint-Germain et de Marly

Tout d’abord, quelques définitions :

– on appelle espèce indigène une espèce qui pousse naturellement dans une région donnée, sans intervention humaine

– on appelle espèce exotique une espèce qui a été introduite, volontairement ou non, dans un territoire situé à l’extérieur de son aire de répartition naturelle

– on appelle espèce invasive une espèce qui est à la fois exotique et envahissante

 

A titre d’exemple, la ronce, le prunellier, la fougère aigle sont des espèces envahissantes mais elles ne sont pas classées comme invasives car ce sont des espèces indigènes.

Le terme « exotique » est utilisé pour désigner les espèces importées après 1492. En effet, avant 1492, l’importation des espèces étrangères s’est faite très lentement, et il s’agissait alors d’espèces provenant du bassin méditerranéen ou du Proche-Orient. On peut citer l’exemple du coquelicot, qui est arrivé en France il y a plusieurs milliers d’années, au fur et à mesure que la culture des céréales est arrivée en Europe occidentale, en provenance du Proche-Orient. Le coquelicot, bien qu’originaire du Proche-Orient, n’est donc pas classé comme espèce exotique. A partir de 1492, l’importation des espèces s’est accélérée et il s’agissait alors d’espèces d’origines beaucoup plus lointaines (Amérique, Asie, Afrique, Océanie).

Robinier faux-acacia



Il faut noter que certaines espèces exotiques ont été introduites depuis tellement longtemps qu’on peut presque les considérer comme indigènes. Par exemple, le robinier faux-acacia, arbre originaire d’Amérique du Nord, a été introduit en France
en 1601. Aujourd’hui on le trouve dans toute la France, dans tous les milieux, on peut dire qu’il fait partie du paysage.
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Rappelons également que très peu d’espèces exotiques deviennent invasives. Pour illustrer ce propos,  les botanistes citent « la règle des 10 % » : sur 1 000 espèces importées, 100 vont devenir accidentelles (elles vont se reproduire naturellement, mais de manière éphémère), 10 vont se naturaliser (elles vont se reproduire naturellement et de manière pérenne), et 1 seulement va devenir invasive.

Les espèces invasives se répandent toujours suite à une activité humaine.

Leur introduction peut être volontaire. Par exemple, le robinier a été planté par les forestiers à cause de la qualité de son bois imputrescible et à cause de sa capacité à pousser dans les terrains pauvres (lutte contre l’érosion, stabilisation des dunes et des talus de voies ferrées). Le cerisier tardif a été planté par les forestiers pour son bois utilisé en ébénisterie et pour sa capacité à pousser dans les terrains secs et sableux. Le raisin d’Amérique a été planté par les vignerons pour colorer le vin rouge.

 

Le plus souvent, leur introduction est volontaire dans un premier temps puis accidentelle par la suite. C’est le cas de toutes les espèces exotiques qui ont été plantées dans les jardins pour faire des haies (laurier du Caucase) ou pour leurs qualités ornementales (paulownia, ailante, buddleia, renouée du Japon). Ces espèces se sont échappées des jardins, des parcs et des ronds-points et se sont ensuite répandues dans la nature.

 

Enfin, dans certains cas, leur introduction peut être purement accidentelle. Aujourd’hui, avec le développement exponentiel des transports de marchandises (camions, trains, bateaux, avions) et des transports de personnes (tourisme de masse), la probabilité d’importer accidentellement des graines ou des boutures de plantes exotiques n’a jamais été aussi élevée.

Les principales espèces invasives que l'on rencontre en forêt de Saint-Germain et de Marly sont :

Pour obtenir plus d’informations sur chaque espèce, vous pouvez cliquer sur la photo de l’espèce.

Des arbres :

- les robiniers faux-acacias (Robinia pseudoacacia)







- les lauriers du Caucase (Prunus laurocerasus 'Caucasica')








- les cerisiers tardifs (Prunus serotina)







- les ailantes (Ailanthus altissima)


Des arbustes :

les buddleias (Buddleja davidii)

Des plantes herbacées de très grande taille :

- les renouées du Japon (Reynoutria japonica), qui peuvent atteindre 4 m de hauteur




- les raisins d'Amérique (Phytolacca americana), qui peuvent atteindre 3 m de hauteur

 

On peut également citer le paulownia (Paulownia tomentosa), arbre originaire de Chine, qui n’est pas encore classé comme espèce invasive en France, mais qui l’est déjà dans plusieurs pays (États-Unis, Australie, Nouvelle-Zélande, Suisse). On rencontre de plus en plus souvent des paulownias dans la forêt de Saint-Germain.

Le terme « espèce invasive » englobe donc un grand nombre d’espèces, qui ont des caractéristiques très différentes. Certaines espèces vont former des fourrés impénétrables (les robiniers, les ailantes, les renouées du Japon), d’autres vont pousser de manière plus diffuse (les lauriers du Caucase, les paulownias, les raisins d’Amérique). Certaines espèces vont pousser uniquement dans les zones ensoleillées (les robiniers, les ailantes, les paulownias, les buddleias), d’autres vont supporter l’ombre des grands arbres (les lauriers du Caucase, les cerisiers tardifs, les renouées du Japon). Certaines espèces vont s’implanter sur les terrains secs (les robiniers, les ailantes, les cerisiers tardifs, les raisins d’Amérique), d’autres vont préférer les terrains humides (les renouées du Japon).

Du point de vue du promeneur en forêt, la majorité des espèces invasives sont plutôt jolies à regarder, soit à cause de leurs feuilles (les ailantes, les cerisiers tardifs), soit à cause de leurs fleurs (les robiniers, les paulownias, les buddleias), soit à cause de leurs fruits (les raisins d’Amérique). En revanche, certaines espèces sont nettement moins esthétiques (les lauriers du Caucase, les renouées du Japon).

 

Malgré leur diversité, il y a néanmoins plusieurs points communs aux espèces invasives :

– elles commencent par s’implanter sur les terrains dégradés par l’activité humaine (bords des routes, talus des voies ferrées, friches, décombres, parcelles déboisées)

– beaucoup supportent bien la sécheresse et les terrains pauvres (robinier, ailante, cerisier tardif, raisin d’Amérique)

– elles ont souvent des grandes feuilles (ailante, paulownia, laurier du Caucase, renouée du Japon, raisin d’Amérique), ce qui leur permet de priver de lumière et ainsi d’éliminer les espèces indigènes poussant à proximité

– elles ont une forte capacité de reproduction : par drageonnage (robinier, ailante, cerisier tardif, renouée du Japon), par dispersion des graines par les oiseaux (laurier du Caucase, cerisier tardif, raisin d’Amérique), par dispersion des graines par le vent (buddleia)

– elles n’ont pas de prédateurs naturels (elles ne sont pas mangées par les herbivores de nos forêts, contrairement à ce qui se passe dans leurs pays d’origine)

 

D’une façon générale, les plantes invasives sont plus compétitives que les espèces indigènes dans le milieu envahi, ce qui explique qu’elles vont se développer au détriment des espèces indigènes. Le risque est donc que les espèces invasives finissent par éliminer les espèces indigènes dans les milieux envahis, ce qui est une menace pour la biodiversité.

Heureusement, il y a quand même des bonnes nouvelles.

La première bonne nouvelle, c’est que la plupart des plantes invasives ont besoin de beaucoup de lumière pour se développer. Une fois que les grands arbres auront poussé, les plantes invasives en dessous vont dépérir. Seules trois espèces de plantes invasives semblent supporter l’ombre des grands arbres : le laurier du Caucase, le cerisier tardif, la renouée du Japon.

 

La deuxième bonne nouvelle, c’est qu’on a vu que les plantes invasives poussaient surtout dans les milieux dégradés par les activités humaines. Moins les milieux seront perturbés, plus les plantes indigènes seront en mesure de résister aux plantes invasives.

 

A cet égard, on peut noter une différence importante entre les forêts de Saint-Germain et de Marly. La forêt de Saint-Germain est très perturbée par les activités humaines (routes, autoroute A14, voies ferrées, installations militaires, fête des Loges, installations sportives, stations d’épuration, anciennes carrières, …). D’autre part la forêt de Saint-Germain, surtout dans sa partie nord, est constituée d’un sol sableux, qui ne retient pas l’eau. Ces deux particularités font qu’on rencontre beaucoup plus d’espèces invasives dans la forêt de Saint-Germain que dans la forêt de Marly.

Pour se débarrasser des espèces invasives, on peut envisager des campagnes d’arrachage. Cette solution est bien adaptée pour les espèces diffuses comme le laurier du Caucase. En revanche, cette solution est plus difficile à mettre en œuvre pour les espèces qui forment des immenses fourrés et qui ont une capacité de drageonnage (plus on les arrache, plus elles repoussent). Cela veut dire qu’en plus de l’arrachage, il faut prévoir de recouvrir les zones traitées avec des bâches pendant plusieurs années, pour priver de lumière les rejets. Ensuite, il faudra replanter des espèces indigènes, pour éviter que les espèces invasives ne se réinstallent. On voit donc que cette solution ne peut être que ponctuelle, pour des raisons évidentes de coût et d’impact visuel.

La solution à long terme est donc plutôt d’éviter de dégrader les milieux et d’espérer que les espèces invasives vont finir par se stabiliser et par trouver un équilibre avec les espèces indigènes.

 

On peut noter que les plantes invasives ne présentent pas que des inconvénients.

Premier exemple : dans certains milieux pauvres et secs (bords des routes, talus des voies ferrées), les robiniers et les ailantes sont les seuls arbres qui arrivent à pousser. Ne vaut-il pas mieux laisser pousser ces arbres, qui en plus sont assez esthétiques, plutôt que de laisser des terrains nus et caillouteux ?

 

Deuxième exemple : lors de la sortie avec l’ONF du 26/06/2024, l’ONF nous a fait visiter une parcelle près de la Croix de Noailles (la parcelle 117) où presque tous les arbres plantés par l’ONF étaient morts, tués par une invasion de hannetons. Dans la parcelle, les seuls arbres qui avaient survécu aux hannetons étaient des cerisiers tardifs. Lors de la sortie, les techniciens ONF nous ont dit qu’ils préféraient laisser pousser les cerisiers tardifs plutôt que de risquer un nouvel échec de plantation ! C’est aussi pour eux une occasion de voir comment une parcelle peut se régénérer et évoluer de manière naturelle.

 

 

On a vu au début de l’article qu’une espèce invasive est une espèce qui est à la fois exotique et envahissante. Dans cette définition, on voit que la caractéristique qui pose problème, ce n’est pas le fait que l’espèce est exotique, c’est le fait qu’elle est envahissante ! Autrement dit, tant qu’une espèce exotique ne détruit pas les espèces indigènes, on peut considérer qu’elle enrichit la biodiversité. La meilleure preuve, c’est que depuis des milliers d’années, de nombreuses espèces se sont implantées en France et ont fini par trouver leur place au milieu des autres espèces. Aujourd’hui on compte en France environ 6 200 espèces végétales, qui se répartissent approximativement en 4 900 espèces indigènes et 1 300 espèces provenant d’une autre région du monde. Avec le changement climatique, on peut même dire qu’on aura de plus en plus besoin des espèces exotiques ! Ces dernières années, l’ONF plante de plus en plus d’espèces exotiques, notamment des espèces plus résistantes à la chaleur et à la sécheresse que les espèces indigènes.

Si vous voulez en savoir plus sur les plantes invasives et sur la manière de les combattre, nous vous conseillons le livre : « Guide des plantes invasives » par Guillaume Fried (2012- Belin). Ce livre décrit de manière détaillée, et avec de nombreuses photos, 116 espèces invasives.

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